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Wardi, une enfance déracinée

Clotilde Campagna 13 février 2019
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Fruit de son immersion dans les camps palestiniens du Liban, le cinéaste norvégien Mats Grorud présente son premier long métrage d’animation. Une petite merveille qui prouve encore une fois que ce genre n’est pas réservé qu’aux enfants.

Wardi a 11 ans, va à l’école, se dispute avec ses frères et sœurs, adore sa tante et les histoires de son arrière-grand-père. Wardi est palestinienne et vit dans un camp de réfugiés au Liban. Elle n’a jamais vu la Palestine, dont son arrière-grand-père a été expulsé en 1948. Wardi est une petite poupée animée en stop motion, avec une énorme touffe de cheveux et une question : son arrière-grand-père a-t-il perdu espoir de revoir sa maison de Galilée ?

Une enquête sous forme de fiction

Pour son premier long métrage d’animation, Mats Grorud va puiser dans sa propre expérience : après quelques séjours à Jérusalem et à Gaza pendant son adolescence, il passe un an à Beyrouth, au camp de Burj El Barajneh. De là naît l’idée d’un documentaire (Lost in Time, Lost in Place, 2010), puis Wardi.

Wardi est donc un film historique, au sens d’enquête. Nous suivons la petite fille à travers le camp, organisé comme une ville dans la ville, marginale, sommaire, un peu dangereuse, presque paradisiaque grâce aux plantes et aux fleurs de Grand-Père Sidi. Et comme dans toute enquête, on fait appel à des témoins, pour raconter la Galilée, la terre perdue, la guerre contre Israël, les bombardements et la vie dans le camp.

Les petites histoires des membres de la famille de Wardi se mêlent à la grande histoire du conflit israélo-palestinien. Le réalisateur a choisi de séparer le temps passé et le temps présent en changeant d’animation : le présent de Wardi est animé en stop motion, avec des insertions de vraies photos dans des réclames ou des albums familiaux.

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Pour évoquer la Palestine et la vie dans le camp, Grorud a choisi d’utiliser une animation en 2D. Une période hors du temps, que Wardi n’a pas connue, qui tient du souvenir, voire parfois du rêve ou du cauchemar. “Au départ”, confie le réalisateur, “nous voulions faire un film documentaire car le budget était limité. L’utilisation de la 2D est aussi là pour intensifier l’expérience émotionnelle que les personnages ont de leur passé. La fluidité de la 2D était importante pour raconter l’histoire. Nous voulions également être le plus précis possible dans la représentation du camp. Or, nous ne pouvions pas recréer le décor de ce passé qu’avec des éléments photographiques”.

Un film engagé mais pas didactique

Wardi est un film engagé pour la cause palestinienne, il serait difficile de le nier. Le voyage initiatique de Wardi est en réalité une enquête sur son propre passé et ses origines, dans un temps de la vie de la petite fille un peu incertain : Sidi est malade, sa sœur veut quitter le Liban, elle-même commence à devenir très bonne à l’école et elle songe à son avenir. Et là se trouve le vrai questionnement de ce film : comment aller de l’avant quand, a priori, il n’y a plus d’espoir ? Des milliers de réfugiés palestiniens abandonnent leurs études et se tournent vers des métiers manuels, voire quittent leur pays, car ils savent qu’il leur sera difficile de trouver un travail correct.

Mais le film de Mats Grorud n’est pas didactique. Au milieu du désespoir, du découragement, de l’exil jaillissent la créativité, l’amitié et la poésie. Un récit initiatique, à voir à tout âge.

Clotilde Campagna

 

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